Penser les lieux, pensez-les mieux

Penser les lieux, pensez-les mieux

Penser un espace comme le plus inclusif impossible est une démarche permanente qui s’appuie sur de multiples améliorations, qui peuvent parfois sembler être des détails mais qui ont souvent toute leur importance.

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Il s’agit à la fois de faire en sorte que le lieu de travail soit inclusif pour les collaborateur·ices qui s’y trouvent et que le lieu d’accueil et de prise en charge du publics soit inclusif pour les personnes qui en font usage ou qui souhaiteraient le faire. 

« C’est quelque chose qui doit être pensé avec les personnes, la patientèle. L’idée serait de rassembler justement la patientèle qui est inscrite dans cette maison médicale et de dire : « Qu’est-ce qui pour vous est important, qu’est-ce que vous avez remarqué comme frein dans notre espace ? » Après, c’est effectivement à voir en fonction des possibilités et des budgets parce que ça c’est toujours un frein malheureusement parce que les politiques de santé publique ne mettent pas ça tout le temps en priorité » (1).

Voici quelques pistes qui pourront vous permettre d’améliorer l’inclusivité de vos espaces aux personnes LGBTQIA+, tout en restant conscient·es, particulièrement pour les petites structures, que certains aménagements peuvent parfois être coûteux ou techniquement difficiles à réaliser :

  • Déclarer vos valeurs et vos intentions de tendre toujours vers plus d’inclusivité : Cela peut se faire de manière visible, sous la forme d’une charte affichée sur vos murs ou matériel de visibilisation LGBTQIA+, par exemple. Vous pouvez aussi montrer le fait que le personnel est en formation continue sur ces questions. Notons cependant qu’afficher ses valeurs doit être suivi des faits, d’un véritable engagement, sinon cela peut s’avérer déloyal, créer beaucoup d’attentes qui seront déçues et rompre le sentiment de confiance. Il conviendra donc de s’assurer que chaque collaborateur·ices du lieu est bien en phase avec les valeurs affichées. 

« Le planning avait des affiches LGBTQIA+friendly dans leur salle d’attente et malgré ça il y avait un décalage dans ce qui est dit/fait dans les consultations. Il y avait un décalage, une connaissance superficielle, de base mais une compréhension du quotidien. La personne était OK avec les diversités sexuelles mais pathologisait les personnes trans*. J’étais mal à l’aise. Donc même quand il y a des signes LGBTQIA+ friendly je reste méfiant·e. »  (2)

Pour donner un aperçu de vos valeurs vous pouvez afficher sur votre site et sur place une phrase du type : « En tant que service de santé, nous nous efforçons de servir chaque personne de notre mieux, quels que soient l'âge, les capacités, le genre, l'expression de genre, l'orientation sexuelle, les caractéristiques sexuelles, la corporalité, la couleur de peau, le pays d'origine, la religion et la culture…».

« En termes d’environnement,  par exemple, une salle d’attente inclusive, ça pourrait être simplement mettre des brochures ou des affiches pour sortir de l’invisibilisation. Souvent, les gens disent « pas besoin, ils savent qu’ on est inclusifs, qu’on prend tout le monde bien en charge ». Mais non, en réalité ils ne le savent pas, ça n’a tellement jamais été mis, c’est tellement souvent invisibilisé que c’est important par exemple de mettre des affiches LGBTQIA+. Lorsqu’on les met on reconnaît une existence, on dit aux gens « je sais que vous existez, je vous vois, je vous entends et vous êtes pris·es en compte » (3)

  • Établir une responsabilité partagée et se positionner clairement en cas de discrimination : Il peut être intéressant de nommer une personne responsable, par exemple de la sécurité, mais il est également souhaitable que chaque travailleur·se se sente responsable de l’inclusivité du lieu et que les actes discriminatoires soient clairement sanctionnés. Il peut être utile d’afficher clairement qu’aucun comportement discriminatoire ne sera toléré. 
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  • Créer un canal de feedbacks pour les usager·es : Vous pouvez mettre en place une boîte à suggestion, une adresse mail spécifiquement dédiée aux retours des bénéficiaires, une évaluation après passage et essayer d’en prendre compte le mieux possible.  
  • Informer au préalable les usager·es de l’accès au lieu et de la composition du lieu : Savoir à l’avance comment s’organise les lieux et quels sont ses éventuelles spécificités peut être très rassurant pour les futur·es usager·es. N’hésitez pas à mettre en place une signalétique claire comme les « chemins » avec code couleur proposés par certains hôpitaux. Un accès facile à votre lieu par transport en commun peut aussi être primordial. Ne pas hésiter non plus à préciser les coûts financiers.  
  • Organiser l’accessibilité du lieu : Il y a bien entendu la question des personnes à mobilité réduite ou mobilité difficile pour des questions d’âge, d’handicap, de corpulence ou autres qui vous feront, par exemple, préférer les ascenseurs aux escaliers. Il est important d’avoir du matériel qui sied à tous·tes : des sièges suffisamment larges, des infrastructures qui supportent toutes les corpulences, des tensiomètres adaptés etc. L’idéal est que les services différents souvent sollicités lors d’une même consultation soient le plus proche possible.  
  • Organiser aussi l’accessibilité numérique : avec un site internet lisible d’un point de vue sonore pour les personnes malvoyantes, qui utilise un langage inclusif, qui propose différentes possibilités pour prendre rendez-vous. Les écrans d’information doivent être lisibles / audibles, mettre également à disposition un accès Wi-Fi gratuit et des prises de recharge pour les appareils électroniques.

«  Pour les personnes qui travaillent dans la sphère psy où je vais d’office aller regarder un petit peu leurs types de pratiques pour être sûr de ne pas tomber sur des choses qui ne me conviendraient pas. J’aime bien aussi regarder leurs parcours. Pour un·e praticien·nes hors psy, généralement je vais regarder un peu plus l’approche. Par exemple, pour les ostéopathes ou les kinés souvent i·els expliquent un petit peu leurs approches, comment i·els travaillent. Ça a tendance à m’intéresser, à me rassurer.» (2)

  • Créer des espaces sécurisants / sécurisés : Il est parfois nécessaire de sécuriser les lieux par différents moyens comme l’obligation de passer par une réception, ne pas mettre (trop) de personnes concomitamment dans une salle d’attente, éviter dans la mesure du possible les files d’attente et veiller à l’absence de « vis-à-vis » pour les lieux nécessitant une certaine intimité. Il peut être utile de permettre à une personne de sortir par une autre porte que celle par laquelle elle est entrée, si votre cabinet se trouve à votre domicile bien séparer physiquement et symboliquement les deux lieux, ne pas automatiquement laisser entrer quelqu’un sans rendez-vous voire aller jusqu’à mettre un service de sécurité à l’entrée d’un lieu, parfois pour certains événements précis. Précisons toutefois que la démonstration sécuritaire peut aussi avoir un effet anxiogène sur certaines personnes. 

« Quand on arrive dans un environnement, il y a un peu cette notion de balance des risques, les personnes vont « scanner » les lieux et se demander :  « est-ce que ici je peux dire qui je suis? » Est-ce que je peux vraiment me montrer ou est-ce que je risque d’être jugé·e, de subir des violences. Dois-je faire passer pour une personne hétéro pour être bien prise en charge? Donc c’est tous ces éléments là qui traversent l’esprit et des signes distinctifs qui disent « ça va c’est espace est safe, les gens ont l’air de connaître le sujet », ça peut faire la différence.» (3)

  • Avoir un personnel diversifié qui soit à l’image de la société : Dans la mesure du possible, employer un personnel de différentes origines, expressions de genre, sensibilités, âges etc. permet notamment de rassurer certain·es usager·es sur le fait qu’i·els peuvent être compris·es, qu’i·els ne sont pas seul·es dans leur situation.
  • Faire en sorte que les lieux soient chaleureux : Les Centres de Prise en Charge des Violences Sexuelles (CPVS), en Belgique, tendent par exemple à s’agencer de la manière la plus « démédicalisée » possible, c’est-à-dire en ne proposant pas une ambiance connotée aux services hospitaliers. Les lumières froides et/ou éblouissantes, les références culpabilisantes en termes d’affiches de santé, les couleurs fades, l’absence de décoration, etc. sont à éviter. N’hésitez pas au contraire à agrémenter vos espaces de plantes, de mobilier confortable et chaleureux, de faire en sorte également que vos espaces soient calmes, pas trop fréquentés, vous pouvez aussi diffuser de la musique douce, proposer de la lecture apaisante, prendre en compte la sensibilité olfactive. 
  • Faire preuve de transparence : Présenter les professionnel·les avant un rendez-vous et afficher clairement leurs noms, prénoms, pronoms, pratiques etc. 
  • Penser la question des horaires : Les horaires sont une dimension très culturelle et genrée, dans la mesure du possible il convient de proposer une amplitude horaire la plus large possible et ne pas considérer que votre mode de vie en termes d’horaire est universel (exemple « la nuit on dort » ou « samedi à 10h ce n’est pas si tôt que ça »). La question n’est pas d’apprendre aux gens à se lever ou prendre un rythme jugé « normal » mais à répondre au mieux à leur besoin de soin(s).  
  • Prévoir un espace pour les enfants : Les LGBTQIA+ ont aussi des familles, parfois des enfants en bas-âge, la possibilité d’offrir une garderie ou un espace, du matériel comme des tables à langer, ou pour que les enfants s’occupent, peut être d’une grande utilité. Penser la signalétique du lieu pour que les enfants et adolescents puissent aussi la comprendre.
  • Proposer des possibilités de traductions : Traduire dans la mesure du possible vos documents dans différentes langues et utiliser à un service d’interprétariat, en ce compris en langue(s) des signes, est important, d’autant plus dans des villes exceptionnellement cosmopolites et multilingues comme Bruxelles. 
  • Proposer des toilettes accessibles indépendamment de l’identité de genre : Cela peut se faire sans signalétique sur les toilettes ou avec une signalétique inclusive, et l’idéal est que chaque toilette dispose des services identiques en urinoirs, toilettes assises, poubelles diverses, protection hygiéniques gratuites, véritable intimité, hygiène…
  • S’assurer que toutes les procédures respectent la protection des données et de la vie privée et assurer l’intimité : Dans la mesure du possible, recevoir les personnes sous couvert d’anonymat ou de grande discrétion.  

Penser les lieux, pensez-les mieux

La checklist non-exhaustive d’une atmosphère inclusive.

Sources

  1. Entretien réalisé avec Charline Marbaix pour ce guide.
  2. Témoignages recueillis pour ce guide.
  3. Entretien réalisé avec Cécilia Goodman pour ce guide

Pour aller plus loin

Guidelines à destination des gestionnaires de services de première ligne pour créer des espaces (plus) safe pour les personnes LGBTQI+ issues de la migration.

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