Le supplice de la goutte d’eau

Le supplice de la goutte d’eau

La discrimination directe, indirecte, le harcèlement, l’incitation ou l’injonction à la discrimination, les discours et délits de haine, les incitations à la haine et le refus d’aménagement raisonnable sous tous des comportements interdits.

En Belgique, la discrimination a un sens légal précis. Il s’agit d’un traitement inégal, injuste ou violent, comme par exemple un refus de biens et services, comme un refus de soin, motivé dans le chef de l’auteur de discrimination par l’un des 29 critères dits « protégés ». Au total, la Belgique est le pays de l’Union Européenne qui reconnaît le plus de critères protégés.

Tout comportement qui discrimine sur base de ces critères peut donc être légalement sanctionné.

Parmi ces critères protégés on retrouve l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’expression de genre, la transition sociale ou médicale, le sexe et les caractéristiques sexuelles. Tout comportement qui discrimine sur base de ces critères peut donc être légalement sanctionné. Il est important de préciser que ces critères ne doivent pas correspondre à la réalité de la victime, à partir du moment où une personne traite de manière inégale ou insulte quelqu’un parce qu’elle considère que cette personne est LGBTQIA+, que la victime le soit ou non, il s’agit d’un acte discriminatoire en droit belge.

L’expérience des discriminations n’est pas marginale. Dans l’espace public, ce qui inclut également l’espace public numérique, au-delà de refus d’accès à des biens et services et l’existence de traitements inégaux, les discriminations ont majoritairement lieu lors d’échanges furtifs et incertains. Cela peut, par exemple, se manifester sous forme d’insultes, de regards ou de moqueries. En réalité, ces comportements ne sont pas toujours légalement qualifiables de discriminatoires ce qui le rend difficile à dénoncer. La suspicion de discrimination peut rendre les publics LGBTQIA+ très vulnérables, incompris voire considérés à tort comme « paranoïaques ».

Il est fréquent que les témoins et même les victimes ne réagissent pas.

Les discriminations et comportements inappropriés dans l’espace public sont souvent banalisés notamment de par leur récurrence, il est fréquent que les témoins et même les victimes ne réagissent pas. Cela peut engendrer toute une série de stratégies d’évitement, en termes de lieux, d’horaire, de tenues, d’époques de l’année, de manière de se comporter ou de s’exprimer qui peuvent au final enfermer certaines personnes LGBTQIA+ dans une vie limitée aux lieux et événements qui leur paraissent sûrs.

Le fait d’évoluer dans un environnement plus ou moins LGBTQIA-phobes peut amener certaines personnes à développer une LGBTQIA-phobie intériorisée, qui se manifeste par un rejet, un dégoût, un désamour ou une mésestime d’elles-mêmes. Cela accroît leur vulnérabilité, notamment en termes de santé et dans la capacité de toujours pouvoir exprimer leurs besoins.

Au sens large, on qualifie les comportements hostiles aux personnes LGBTQIA+ d’homophobie, de lesbophobie, de biphobie, de transphobie, d’interphobie, d’enbyphobie (contre les personnes non-binaires), de queerphobie, d’acephobie (contre les personnes asexuelles), etc.

On utilise également le concept de micro-agressions.

Les micro-agressions ne sont micro que par rapport aux macro-agressions manifestes, intentionnelles et explicites.

« Les micro-agressions sont des interactions et comportements interpersonnels, brefs, plus ou moins subtils, (non)intentionnels et banals, communiquant des préjugés envers des groupes historiquement marginalisés. Ils peuvent prendre la forme de plaisanteries inappropriées, d’actes d’exclusion, de rejet ou d’ignorance, le fait de ne pas retenir le nom des personnes, de les mégenrer (ne pas s’adresser à ell·eux avec le genre correct), de stéréotypes, etc. Les micro-agressions ne sont micro que par rapport aux macro-agressions manifestes, intentionnelles et explicites. Leurs effets sont cependant aussi intenses et impactants sur les personnes marginalisées car elles sont beaucoup plus fréquentes et répétitives. Elles peuvent paraître négligeables pour les agresseur·ses, mais leur effet pourrait être comparé à celui d’une piqûre de guêpe. Une piqûre de guêpe est douloureuse et inconfortable, mais être piqué par une colonie entière de guêpe peut être mortel. » (1)

Cette notion permet d’envisager l’impact de ces comportements à travers leur caractère répétitif dans le quotidien des personnes LGBTQIA+, et prend également en compte l’aspect souvent involontaire des micro-agressions dans sa répercussion sur la santé des personnes concernées.

Pour moi, l'inclusivité ce n’est pas que les questions LGBTQIA+, même si ça en fait partie évidemment, mais ça concerne un peu toutes les formes de violence qu'on peut subir dont le validisme, le racisme, la grossophobie, l'âgisme, tous les “ismes”.(5)

Le supplice de la goutte d’eau

Les discriminations et les micro-agressions à répétition ne sont pas sans conséquence.

Sources

[ Article rédigé avec la participation de Jules Dufey ]
  1. Organisation internationale pour les migration (OIM), A.Yancy, 2021 : Guidelines à destination des gestionnaires de services de première ligne pour créer des espaces (plus) safe pour les personnes LGBTQI+ issues de la migration, p.10
  2. Alessandrin, A. & Dagorn, J. (2016). L’expérience urbaine des discriminations. Cahiers de la LCD, 1, 17-33. 
  3. Discrimination: quelques précisions (Unia)
    https://www.unia.be/fr/criteres-de-discrimination/discrimination-quelques-p[…]
  4. L’inclusion des personnes LGBTQ2+ - Guide pratique pour des municipalités inclusives au Canada et ailleurs dans le monde (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, 2019)
  5. Témoignages recueillis pour ce guide

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