Des rencontres exclusives pour une société inclusive ?

Des rencontres exclusives pour une société inclusive ?

Les rencontres en mixité choisie sont un outil d’organisation politique très ancien qui a connu une popularité grandissante dès la fin des années 60, notamment grâce aux mouvements féministes et singulièrement aux mouvements féministes noirs étatsuniens. Les publics LGBTQIA+ se retrouvent aujourd’hui régulièrement dans des espaces en mixité choisie.

Cette manière de s’organiser peut être comprise comme un champ d’expérimentation de contestation d’un ordre établi, et de réappropriation d’espaces, pour un public précis.  Elle permet la mise en commun d’expériences personnelles de discriminations ou d’un système de domination, en rassemblant des individus concernés, sans qu’i·els doivent justifier leur sentiment d’injustice ou leur vécu, sans qu’ i·els doivent également rassurer, faire preuve de pédagogie ou prendre en compte d’éventuel·les participant·es non-concerné·es.

C’est un moyen qui facilite l’expression et la communication dans un lieu moins traversé par les rapports de pouvoir, qui évite l’autocensure et qui montre dès lors que les problèmes vécus ne sont pas individuels. C’est aussi l’occasion d’échanger autour d’une culture, d’une identité collective dans un espace sécurisant, bienveillant et finalement de développer son autonomie politique sans devoir attendre d’être inclus·e par le bon vouloir de la société majoritaire. Le but est ensuite de rejoindre la société globale et de lui faire également profiter de l’émancipation acquise dans ces « safer spaces »

La tenue d’activités thérapeutiques en mixité choisie, comme un groupe de parole, peut être un outil efficace, notamment parce qu’elles désamorcent des questions d’insécurité et de honte.

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non-mixité choisie, un projet temporaire d'émancipation politique

Il existe une différence de nature importante entre une non-mixité subie : imposée par des citoyens en capacité de le faire, détenteurs d’une forme de pouvoir ou édicteurs de la norme comme différentes formes de ségrégation, d’apartheid, de suffrage censitaire ou d’exclusion des femmes du droit de vote, et une (non)-mixité choisie : par une population minoritaire ou minorisée, subissant la norme, avec un projet temporaire d’émancipation politique.

L’existence des réunions ou de mobilisations en mixité choisie n’est pas dûe à une volonté d’exclure qui que ce soit, mais de réserver ces événements à des publics définis. Il ne s’agit donc pas d’un projet de société ou de « séparatisme » mais bien de la mise en place d’un outil stratégique, d’un espace de liberté, en vue de renforcer les consciences et la résilience des participant·es face à différentes discriminations dont i·els pourraient être victimes.  

On peut considérer la nécessité de devoir travailler en mixité choisie comme un échec du « vivre-ensemble », mais c’est du côté des raisons qui poussent certains groupes marginalisés à y avoir recours qu’il faut chercher la véritable responsabilité.

« Avoir recours à la « non-mixité » ne veut pas dire que les hommes seraient forcément indifférents à la cause des femmes ou qu’ils seraient tous des oppresseurs en puissance. Ni que « les personnes blanches » ne pourraient aspirer à une société sans racisme et qu’il faudrait les écarter du combat pour une telle société. Mais leur position face à un racisme qui ne les vise pas directement n’est forcément pas la même que celle des personnes qui y sont confrontées quotidiennement sans pouvoir y échapper. Pour celles-là, combattre le racisme est une question de survie sociale. » (1)

Notons que la tenue d’activités thérapeutiques en mixité choisie comporte également l’intérêt d’un sentiment de compréhension et de partage d’expériences, entre autres, parmi les participant·es.

Des rencontres exclusives pour une société inclusive ?

La mixité choisie est un outil d’organisation politique.