La liberté de s’étiqueter

La liberté de s’étiqueter

​​Le respect de la liberté d’autodétermination revient à reconnaître comme légitime les vécus et identités qui s’écartent des normes sociales sans remise en doute et sans exiger de justification. Cela s’applique à tous les aspects de la vie : légaux, médicaux, sociaux, professionnels, etc. Ce principe de reconnaissance s’applique aux caractéristiques identitaires, relationnelles et d’appartenances de la personne.

Il s’agit, par exemple, d’autoriser et de reconnaître le changement de pronoms et/ou de prénoms ; de maintenir l’accompagnement de la personne dans le spectre de sa demande ; de ne pas psychiatriser ou pathologiser une identité, etc.

Les principes de Jogjakarta énoncent : « Chacun a droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique. Les personnes aux diverses orientations sexuelles et identités de genre jouiront d’une capacité juridique dans tous les aspects de leur vie. L’orientation sexuelle et l’identité de genre définies par chacun personnellement font partie intégrante de sa personnalité et sont l’un des aspects les plus fondamentaux de l’autodétermination, de la dignité et de la liberté. Personne ne sera forcé de subir des procédures médicales, y compris la chirurgie de réassignation de sexe, la stérilisation ou la thérapie hormonale, comme condition à la reconnaissance légale de son identité de genre. Aucun statut, tels que le mariage ou la condition de parent, ne peut être invoqué en tant que tel pour empêcher la reconnaissance légale de l’identité de genre d’une personne. Personne ne sera soumis à de la pression pour dissimuler, supprimer ou nier son orientation sexuelle ou son identité de genre » (1).

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Dans l’histoire des personnes trans*, le principe d’autodétermination est inextricablement lié aux luttes de reconnaissance au niveau social et juridique. 

Cela nous amène à considérer l’autodétermination, comme un droit fondamental formulé contre les définition médicale pathologisante et établie comme des assignations externes.

Comme le sociologue Alexandre Jaunait l’explique, les revendications de démédicalisation portent dans un premier temps la dénonciation et de contestation du monopole de labellisation des institutions médico-psychiatrique. Elles conduisent aussi à l’affirmation du principe d’auto-identification qui s’envisage comme un droit humain fondamental et qui « déplace le fondement de la reconnaissance juridique, de la médecine aux individus » (2)

Ce principe replace dans le chef de chaque individu le droit de jouir de la liberté d’exister au monde d’une façon authentique et véritable. 

Au niveau des accueils et soins de santé, nous pouvons organiser les espaces thérapeutiques pour qu’ils reconnaissent ce principe et autorisent les patient·es à exister et exprimer leur « moi authentique ». Il s’agit, par exemple, de considérer comme légitime l’exploration et l’affirmation, par un enfant, de son identité de genre et de l’autoriser à déterminer l’identité de genre qui lui apparaît comme la plus adéquate.

Ces explorations et affirmations peuvent être accompagnées et reconnues comme légitimes au lieu d’être rendues taboues et interdites.

Questionner la personne sur la manière dont i·el se genre (« quels sont vos pronoms? » , « comment vous genrez-vous ? ») et faire prévaloir ses réponses sur les informations contenues sur les documents administratifs, exprime une reconnaissance de la capacité d’autodétermination. Cela souligne également que l’identité de genre n’est pas automatiquement préjugée d’autorité mais basée sur les informations fournies par la personne avec son accord.

Enfin, comme le présentent Les CHEFF dans leur Guide des jeunes LGBTQIA+, l’autodétermination est un concept associé aux luttes queers. Ce concept illustre peut-être la différence entre se voir coller une étiquette, malgré soi et se la coller soi-même : « se les coller à soi-même, se sentir moins seul·e dans son identité, trouver des pairs, créer de la solidarité, etc. C’est ce qu’on appelle l’autodétermination et cela n’a rien à voir avec l’assignation, à savoir quand d’autres nous collent une étiquette sans consentement. Cette démarche est poussée un cran plus loin lorsque des insultes à caractère homophobe sont réappropriées par la communauté dans un esprit subversif […] Le terme « queer » (le Q de LGBTQIA+) raconte la même histoire puisqu’à l’origine, celui-ci était une insulte anglophone désignant les homosexuel·les et signifiant « drôle, bizarre, étrange, penché » (en opposition à straight qui signifie à la fois hétérosexuel·le et droit·e) » (3)

La liberté de s’étiqueter

Autodétermination : dis-moi qui tu es, je te dirai qui tu es.