Vous reprendrez bien une dose de stress ?

Vous reprendrez bien une dose de stress ?

Le modèle du stress des minorités (ou modèle de stress minoritaire, ou minority stress model) désigne les différents niveaux de stress chronique élevé auxquels les membres de groupes stigmatisés et minoritaires sont confrontés.

Il s’agit d’un état de stress chronique qui se retrouve chez certains groupes minoritaires en proie à des interactions sociales stigmatisantes vécues de manière continues et répétées (1) (2).

Ce modèle, proposé par Ilan Meyer en 2003 (3), vise à souligner la dose de stress supplémentaire auquel sont spécifiquement exposées les minorités et que ne connaissent pas les personnes appartenant au groupes dominants (4).

Les facteurs de stress émanent des stigmatisations vécues (évènements externes et objectifs, chroniques et/ou aigus), perçues (appréhension, vigilance,…) ou intériorisées (intériorisation d’attitudes négatives) (1). 

Ce modèle se structure autour de deux types de processus de stress : 

  • Les processus distaux qui représentent les facteurs de stress objectifs, indépendants de la personne concernée.
  • Et les processus proximaux, soit les facteurs de stress liés aux perceptions subjectives qui dépendent de l’individu. 

Par exemple, « quelqu’un qui a subi un harcèlement homophobe à l’école (facteur de stress distal) s’attendra à rencontrer d’autres interactions homophobes dans sa vie, ce qui pourra l’amener à essayer de cacher son orientation sexuelle voire à finir par intégrer les images négatives renvoyées par les autres et rejeter sa propre identité (facteurs proximaux) » (4).

Leurs santé psychique et physique peuvent s’en voir fortement impactées.

Les personnes en proie à ces stigmatisations et aux éléments de stress qui en découlent peuvent développer des vulnérabilités en lien avec ces éléments, par exemple des états de stress post-traumatique, d’hypervigilance, d’isolement, de honte etc. Leurs santé psychique et physique peuvent s’en voir fortement impactées. 

Plus le nombre d’expériences négatives augmente, plus l’impact sur la santé générale est fort. Ce stress particulier est vécu par beaucoup de personnes LGBTQIA+, davantage confrontées à des expériences de discriminations vécues quotidiennement qui tendent à être internalisées. 

À titre d’exemple, les enfants transgenres ou qui explorent leur(s) genre(s) constituent un groupe particulièrement vulnérable. Cela s’explique par leur positionnement par rapport aux normes de genre, notamment associé à leur position d’enfant dans la société. Cela peut les amener à vivre des situations quotidiennes risquant de générer un état de stress ou d’anxiété chronique fragilisant et les rend six fois plus à risque de développer des symptômes de détresse psychologique que les jeunes cisgenres (9). 

Le stress des minorités, au-delà de sa manifestation suite à des discriminations vécues, est également lié aux traumatismes intergénérationnels et historiques qui incluent diverses maltraitances dans l’Histoire. Par exemple, le meurtre de milliers d’hommes gays et de femmes lesbiennes durant la seconde guerre mondiale, ou la perte d’une génération d’hommes gays pendant l’épidémie de VIH/sida. Ce stress est également lié à un préjudice émotionnel cumulé qui peut être créé en étant exposé à des événements violents ayant eu un impact sur la communauté LGBTQIA+, comme diverses agressions médiatisées par exemple (2) (7).

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Ce modèle de stress minoritaire prend en compte plusieurs facteurs dont les sources sont assez larges et multiples. L’intérêt de sa conceptualisation réside notamment dans la prise en compte nécessaire de ces aspects pour appréhender (et donc, accompagner) les personnes concernées par ses effets. 

Cela permet également de mieux appréhender la façon dont les personnes LGBTQIA+ peuvent envisager les interactions selon les contextes sociaux, dont celui des soins de santé. C’est aussi un aspect éclairant les données sur la santé des personnes LGBTQIA+. 

Les sentiments d’insécurité, les comportements d’évitement, les appréhensions, la dévaluation de l’estime de soi, le repli sur soi, l’isolement, etc. sont quelques exemples d’impacts de ce stress. Ces éléments doivent pouvoir être anticipés dans les accompagnements et prises en charge en santé (6) (8). 

Enfin, ce modèle met également en exergue certains facteurs de protection que peuvent développer les groupes concernés en vue d’atténuer les effets du stress sur la santé, comme le déploiement de liens communautaires, la résilience ou la cohésion de groupe, le sentiment de fierté (1).

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Vous reprendrez bien une dose de stress ?

Le modèle du stress des minorités explique la dose supplémentaire de stress auquel les groupes minorisés sont exposés.

Sources

[ Article rédigé avec la participation de Jules Dufey ]
  1. Scandurra, C., Vitelli, R., Maldonato, N.M., Valerio, P., Bochicchio, V. (2019). Une étude qualitative sur le stress minoritaire ressenti par les personnes transgenres et de genre non conforme en Italie. Sexologies, 28(3), 142-146. 
  2. Soutenir la communauté 2SLGBTQ+ : Boîte à outils pour l'équité et l'inclusion (Association canadienne des chefs de police, 2020)
  3. Meyer IH. Prejudice, social stress, and mental health in lesbian, gay, and bisexual populations: Conceptual issues and research evidence. Psychological Bulletin. 2003;129(5):674–97
  4. Introduction, Santé conjuguée n°86 - mars 2019. Fédération maisons médicales santé et solidarité. (Ouafik, M., 2019)
    https://www.maisonmedicale.org/introduction-7550/
  5. Gottlob, N. (2023), L’accompagnement des enfants transgenres et de leur famille. La Revue Nouvelle, 4, 67-78. 
  6. Motmans, J., Wyverkens, E., & Defreyne, J. (2017), ​Être transgenre en Belgique, 10 ans plus tard.​ Institut pour l’Egalité des Femmes et des Hommes. 
  7. L’inclusion des personnes LGBTQ2+—Guide pratique pour des municipalités inclusives au Canada et ailleurs dans le monde. (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, 2019)
  8. Pullen Sansfaçon, A., & Bellot, C. (2016). L’éthique de la reconnaissance comme posture d’intervention pour travailler avec les jeunes trans*. ​Nouvelles pratiques sociales, 22(​2), 38-53
  9. Raymond, G., Blais, M., Bergeron, F.-A., & Hébert, M. (2015). Les expériences de victimisation, la santé mentale et le bien-être de jeunes au Québec. ​Identités et orientations sexuelles, 40 (3), 77-92.

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