Ma·on patient·e et son identité de genre

Ma·on patient·e et son identité de genre

Lors de l’accueil et de l’accompagnement de personnes trans* ou d’identité de genre non conformes (aux attentes, aux assignations, aux normes), ou qui explorent/questionnent/cheminent à propos de leur identité de genre, certains points d’attention, présentés succinctement ci-dessous, sont à prendre en compte (2).

Des pistes d’approfondissements de ces points figurent en fin d’article.

  • Reconnaître la capacité d’autodétermination de l’identité de genre et prendre conscience qu’il n’est pas préjudiciable de reconnaître la liberté d’une personne d’autodéterminer son identité de genre, peu importe son âge (enfant, adolescent·e ou adulte). À ce propos, notons que ce qui est, au contraire, délétère c’est de ne pas (s’)autoriser la libre exploration de son identité.

En tant que professionnel·le, il n’y a pas lieu de craindre d’encourager ou même de créer un vécu transidentitaire en abordant ces sujets lors des consultations : ces questionnements existent de toute façon. Se priver de les aborder dans un lieu thérapeutique mènerait à un évitement et une invisibilisation des vécus qui y sont associés. Il est donc pertinent de s’autoriser et surtout d’autoriser à en parler en utilisant les mots et concepts adéquats.

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  • Utiliser les prénom(s) et pronom(s) adéquats : genrer et prénommer correctement une personne est l’une des façons de reconnaître et de faire exister les patient·es dans leur identité.
  • (Ré)apprendre le genre : s’informer sur l’ensemble des réalités en lien avec les thématiques de genre.
  • Mettre l’accent sur le genre et non sur le corps et veiller à éviter la connotation à la sexualité si ce n’est pas l’objet abordé, que ce soit en termes de préférences sexuelles ou de pratiques sexuelles.
  • Éviter le discours considérant un « mauvais corps » : les discours qui énoncent « né·e dans le mauvais corps » ou que « l’intérieur ne correspond pas à son corps » peuvent mener l’enfant ou l’individu à développer une vision déformée et déformante de soi. De plus, ces discours qualifient un corps comme étant « mauvais » parce qu’il ne correspond pas aux injonctions et assignations sociétales. Un corps doit pouvoir abriter n’importe quelle identité de genre, sans risquer d’être envisagé comme mauvais quelles que soient ses caractéristiques sexuelles, biologiques et hormonales.
  • Reconnaître le droit à disposer de son propre corps.
  • Considérer la notion de point de confort : il existe plusieurs « types » de transitions qui s’étendent de la transition sociale à la transition juridique/légale, en passant par la transition hormonale, chirurgicale, etc. Il n’y a pas une manière de transitionner, ni une transition qui ferait de soi une « vraie » personne transgenre. Chacun·e peut combiner (ou non) une ou plusieurs de ces transitions de la façon qui lui semble la plus adéquate. La notion de point de confort vise à insister sur la liberté de suivre une voie propre à son ressenti et de pouvoir se placer au point qui puisse être confortable sans pression à entamer de processus qui ne concorderait pas avec son ressenti intime. À ce jour, la loi du 25 juin 2017 autorise une modification du prénom d’un enfant à partir de l’âge de 12 ans (assisté des représentants légaux). La modification de l’enregistrement du sexe est autorisée pour un enfant à partir de 16 ans (assistés des représentants légaux et sur base d’une attestation d’un·e pédopsychiatre attestant d’un choix libre et conscient) (Service Public Fédéral Justice, 2023).
  • Valoriser le cheminement et les ressources. Les parcours de coming in et/ou de coming out peuvent être considérés comme des voies de développement d’une certaine euphorie de soi et non pas uniquement ou systématiquement comme des symptômes découlant de dysphorie.
  • Favoriser la mise en place d’interventions transaffirmatives qui autorisent et accompagnent le cheminement vers une identité authentique.
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  • Visibiliser et donner accès à des modèles de représentations positives d’identification : cela permet de développer un sentiment d’appartenance et de s’extraire du sentiment d’anormalité et d’isolement.
  • Considérer les phénomènes d’invisibilité et le poids du secret.
  • Considérer les vulnérabilités – le modèle du stress minoritaire.
  • Dans des situations de transidentité dans l’enfance, accompagner les familles également.
  • Prendre en compte un ensemble d’autres besoins spécifiques. Bien que propres à chaque personne, certains besoins se retrouvent de façon prévalente dans les accompagnements, dont les six besoins suivants :
  • Le besoin de se sentir en confiance, dans un espace identifié et visibilisé comme safe.
  • Le besoin de comprendre la posture du ou de la professionnel·le.
  • Le besoin de se sentir en maîtrise, par opposition au vécu d’impuissance que peuvent susciter certaines prises en charge.
  • Le besoin de se sentir compris·e, d’avoir le droit à la parole et de bénéficier d’une liberté d’expression de ses vécus et ressentis.
  • Le besoin de disposer d’outils de représentations, d’identification, de conceptualisation pour se comprendre soi-même.
  • Et, bien entendu, le besoin de se sentir légitime et de ne pas subir de différence de traitement quant aux autres individus.

 

Genres Pluriels, dans sa brochure Transgenres, Identités Pluriel.le.s, revient aussi sur certains pièges à éviter. Certaines fausses croyances ou idées reçues répandues impactent l’accueil des personnes trans* (1, p.14-15) :

  • Transidentés = sexualités (voir question : genre, sexe et sexualités). Les préférences sexuelles ne peuvent pas se présupposer sur base de la transidentité (ni sur base de quoi que ce soit, d’ailleurs) d’une personne.
  • Transidentités = maladie mentale. Par exemple, « avez-vous consulté un psychiatre ? ». L’historique de la psychiatrisation des transidentités impacte encore les prises en charge des personnes concernées.
  • Transidentités = intersexuations.
  • Transidentités = chirurgies génitales. Par exemple, « vous avez l’intention de vous faire opérer ? ».
  • Il n’y a que deux genres, et il faut choisir. Par exemple, « En vrai, vous êtes un homme ou une femme ? ». Certaines personnes ne se reconnaissent pas dans le modèle de genre binaire (qui ne reconnaît que deux genre : le féminin et le masculin). Une question telle que celle-ci présuppose l’obligation de catégoriser son identité de genre dans l’une de ces deux options et ne prend pas en compte l’ensemble du champ des possibles en termes d’identité (et d’expression) de genre.

 

Comme le rappelle également Genres Pluriels (dans sa brochure disponible à ce lien : https://www.genrespluriels.be/IMG/pdf/brochure_4emeed_web.pdf, 2017), « rappelez-vous que vous ne pouvez pas savoir si une personne est transgenre ou cisgenre. Partez donc du principe que toute personne pourrait aussi bien être trans* que cis* et agissez ou parlez en conséquence » (1, p.16-18) :

  • Au langage oral : demander à la personne comment s’adresser à elle, plutôt que de le deviner, et respecter les prénom(s) et pronom(s).
  • Au langage écrit : utiliser un langage inclusif et épicène.
  • Éviter les titres de civilités (Madame, Monsieur,…).
  • S’adresser à un groupe, même s’il vous semble composé uniquement de filles-femmes, en des termes épicènes.
  • Valoriser et visibiliser des contenus qui mettent en scène des personnages trans* de façon positive ou informant de manière correcte sur les transidentités. Eviter les contenus liant genre, sexe et sexualité ainsi que les contenus représentant une psychiatrisation et une pathologisation des transidentités.
  • Créer un lieu safe.
  • Avoir une gestion des données et une politique de protection de la vie privée qui puisse, par exemple, permettre la mise à jour des données et l’enregistrement des prénoms d’usage et genres revendiqués et non administratifs ou ne pas laisser les données administratives visibles sur un document qui serait accessible à d’autres personnes (carte de membre, abonnement, etc.).
  • Penser l’accès aux lieux genrés et préférer des séparations individuelles aux séparations collectives non mixtes (vestiaires, toilettes, etc.) ; récolter les opinions sur ce qu’il serait confortable concernant les lieux genrés ; permettre l’accès de ces lieux à des horaires décalés par rapports aux personnes cisgenres ou à des lieux habituellement réservés au personnel encadrant ; rendre non-genrés au moins un de ces lieux s’il y en a plusieurs.
  • Adapter les règles de vie et règlements : mentionner explicitement que la transphobie est inacceptable dans les règlements, mentionner explicitement que l’identité et expression de genre ne peuvent faire l’objet de discrimination, limiter au maximum les obligations et interdits vestimentaires.
  • Réagir à la transphobie et au sexisme et ne pas laisser s’installer un sentiment d’impunité.
  • S’interroger soi-même sur ses propres conceptions liées aux stéréotypes de genre, à ses façons de s’adresser aux personnes selon leur genre supposés, s’informer sur les réalités des personnes trans* auprès de personnes concernées et accepter qu’on conserve probablement un fond de préjugé et qu’on doit y travailler calmement et de façon continue.
  • Être proactif·ve et partir du principe qu’il est plus que probable qu’une personne trans* fréquente l’institution, sans attendre qu’une personne se manifeste pour mettre en place les bonnes pratiques et une politique d’inclusion, mettre en place des formations pour les personnes qui fréquentent l’institution.

« Ma généraliste avait pris soin de préciser, en prenant pour moi un rdv chez une gynécologue à l’hôpital, que j’étais trans* et qu’il fallait prévenir la gynéco que j’étais un homme. Elle l’avait même rappelé peu avant le jour du rdv. Malgré tout, la gynéco n’était pas au courant et une fois que j’ai clarifié que j’étais un homme, elle m’a directement dit qu’alors je n’avais rien à faire là. J’ai dû expliquer pour qu’elle accepte de me recevoir » (3)

Ma·on patient·e et son identité de genre

Rendez-vous au point de confort !

Sources

  1. Transgenres/Identités pluriel.le.s (Genres Pluriels, 2017)
  2. Gottlob, N. (2023). L’accompagnement des enfants transgenres et de leur famille. La Revue Nouvelle, 4, 67-78 
  3. Témoignages recueillis pour ce guide.

Pour aller plus loin

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