Interventions transaffirmatives ?

Interventions transaffirmatives ?

Les interventions transaffirmatives ou thérapies affirmatives désignent les agissements et postures thérapeutiques qui visent à autoriser et accompagner le cheminement vers une identité authentique. Il s’agit de communiquer directement et indirectement aux patient·es leur liberté de s’écarter des injonctions normatives de genre éprouvées depuis l’enfance et de cheminer vers l’identité jugée en concordance avec le ressenti intime.

Les vécus s’écartant des normes font l’objet d’interdits, de corrections et de tabous. Les personnes concernées sont éduquées à ne pas être autorisées à exister de façon authentique. Cela peut mener à un repli sur soi, un sentiment d’étrangeté, une dépréciation de son identité, un vécu de honte ou d’autres symptômes et affects négatifs. Cela peut également contraindre à ne jamais révéler, à soi-même et/ou au monde extérieur, un ou plusieurs pan(s) de ces ressentis identitaires ou attirances quand il s’agit d’orientation sexuelle.

« Au quotidien, c’est plus facile de vivre ma vie de femme par facilité, et de ne pas dire que je suis une personne non-binaire. Et mon quotidien, ça englobe la thérapie. »  (1)

Les interventions transaffirmatives visent à autoriser le déploiement et le développement de ses caractéristiques propres et authentiques.

Beaucoup de personnes concernées expriment avoir eu l’impression de devoir jouer un rôle, celui d’un genre attribué, d’une place ou de comportements assignés. Face à ces restrictions et contraintes normatives, les interventions transaffirmatives visent à autoriser le déploiement et le développement de ses caractéristiques propres et authentiques.

Plus spécifiquement, ces interventions développées notamment par Annie Pullen Sansfaçon (2), ont pour objectif de soutenir le développement de l’identité ressentie par la personne et non de la modifier.

Ces interventions se basent sur les éléments suivants :

  • Les principes de réapprentissage du genre, de compréhension de la complexité des parcours et expériences des personnes transgenres
  • La promotion de l’autodétermination
  • Le soutien des familles vers l’atteinte de leurs besoins

D’une façon globale, ces interventions soutiennent l’identité de genre vécue par la·e patient·e induisent une amélioration de la santé, du sentiment de bien-être et de la qualité de vie en général.

Les interventions transaffirmatives s’installent et se développent :

dans le langage : langage inclusif, non genré, qui veille au respect des identités, pronoms, prénoms, etc. qui puisse permettre à la personne de dire, de se présenter, de questionner des aspects de son identité, ne pas rendre tabou et autoriser à dire.

?

dans les interrogations et questions : questions respectueuses des diversités, qui ne présupposent pas de l’hétérosexualité, de la cisidentité.

dans le refus d’essentialiser, psychologiser ou stigmatiser les identités, les orientations et les modes de relations comme la non-monogamie, le polyamour, les relations ouvertes.

dans la prise de conscience des nuances d’une situation ou des ressentis. Par exemple, contextualiser les difficultés potentielles dans un schéma plus général d’oppression et de discrimination ; laisser de la place aux ressentis de dysphorie (de genre) et en laisser également aux ressentis d’euphorie (de genre) ; entendre les doutes à propos d’un nouveau mode de relation ; etc.

dans la posture du·de la thérapeute.

?

Il s’agit également, d’une façon plus générale, de :

  • créer des espaces plus inclusifs pour les personnes concernées, leurs proches et familles
  • soutenir les minorités et diversités dans la lutte et la défense de leurs droits
  • stimuler le changement social
  • adapter, si nécessaire, les conditions de vie des patient·es jusqu’alors opprimantes (2).

Concrètement, et à titre d’exemple, cela peut passer par l’encouragement des familles à genrer correctement leur enfant ; se préparer, en tant que travailleur·se à recevoir une personne dont les pièces d’identité sont non conformes à son identité ou expression de genre et à la genrer selon son souhait ; il peut s’agir aussi de les accompagner dans la recherche de ressources adéquates qu’i·els peinent à trouver (2).

Pour les praticien·nes cela nécessite un travail actif d’introspection, d’analyse de ses biais, angles morts, réactions contre-transférentielles, etc.

Cela demande également une démarche active de renseignements, de sensibilisation.

« Il ne suffit pas d’être ouverte. C’est une démarche consciente. C’est ça la nuance. […] pas juste dire « mais pour moi elle peut tout me dire, tout ce qu’elle a à dire ». […] Donc ça demande une démarche active de recherche, de sensibilisation, de… d’ouvertures à toutes les réalités qui existent dans le monde, ça ne veut pas dire tout expérimenter. » (extrait de Thiry 2016-2017 (3))

Notons que l’approche transaffirmative est recommandée par l’OMS et par la plupart des instances de psychologie, psychiatrie, médecine et pédiatrie (cfr. Pour plus d’approfondissements  (4)). Ces interventions démontrent une amélioration de la santé mentale chez les personnes concernées. À l’inverse – faut-il encore le préciser ? – ce sont les approches restrictives ou de conversion qui causent des effets délétères sur la santé et qui mènent à de la détresse psychique voire à un risque de tentative de suicide plus élevé (4).

?

Carte à lire aussi :
Quelque chose à guérir ?

Quelques exemples de communications transaffirmatives en consultation (extrait du document : Adolescents transgenres et non-binaires : approche et prise en charge par les médecins de premier recours) (4).

À noter qu’il s’agit bien entendu d’exemples de formulation et qu’il revient à chaque praticien·ne de trouver les formulations qui lui conviennent.

  • En début d’entretien :
    • Bonjour, est-ce que vous souhaitez que j’utilise le prénom qui est sur votre dossier ou y a-t-il un autre prénom qui vous convient mieux ?
    • Quel pronom souhaitez-vous que j’utilise (il ou elle ou iel) ?
    • Est-ce secret ? Avec quelles personnes utilisez-vous ce prénom et ce pronom ?
    • Comment voulez-vous que le secrétariat et les autres professionnel·les s’adressent à vous ?
    • Si je fais des erreurs quand je m’adresse à vous, elles sont involontaires et je vous prie de m’en excuser.
    • Je suis désolé·e de m’être trompé·e de prénom (ou de genre). Toutes mes excuses !
  • Se positionner pour apporter sécurité et bienveillance :
    • Ici, on accueille et on prend soin de toutes les personnes, quelles que soient leurs origines, leurs cultures, leurs religions, leurs identités de genre et leurs orientations sexuelles ou affectives. Et on peut parler de ces sujets quand ils sont importants pour vous. Ces éléments, comme tous les autres de la consultation, sont confidentiels et protégés par le secret médical.
  • Ouvrir la discussion sur le genre
    • Avez-vous des questions concernant le genre ?
    • Comment vous identifiez-vous concernant le genre ?
  • Affirmations et/ou transitions
    • De quoi auriez-vous besoin en lien avec le genre pour vous sentir bien ?
    • Avez-vous commencé une forme de transition sociale ou médicale ?
    • Avez-vous des attentes particulières par rapport à ces changements ?
    • Qu’est-ce qui est important pour vous dans ces changements ?
    • Avez-vous pensé à un calendrier ou un ordre pour ces changements ?
  • Discussion de décision médicale partagée
    • Certains patients viennent avec un plan clair de la façon dont je peux les aider et les soutenir. Avec d’autres, nous avançons ensemble pour avoir une liste des éléments qui sont importants pour eux. Comment pouvons-nous faire équipe au mieux pour votre santé ?
    • Dans cette situation, il y a plusieurs options. On peut les explorer ensemble et voir ce qui est faisable et ce qui est important pour vous.
  • Examen physique
    • Y a-t-il des parties de votre corps qui vous mettent mal à l’aise ?
    • Je vous informerai des zones qu’il serait utile d’examiner et nous déciderons ensemble si l’examen doit avoir lieu ou non et comment nous pouvons faire pour diminuer votre malaise.
  • Relations amoureuses et sexuelles
    • La personne qui vous accompagne a-t-elle un lien particulier avec vous ?
    • Êtes-vous en relation amoureuse actuellement ?
    • Pourriez-vous me parler un peu de cette personne ?
    • Comment se sont passés les rapports sexuels que vous avez eus récemment ?
    • Avez-vous des relations sexuelles avec des hommes, des femmes, ou les deux ? Je pose la question de cette manière à tous les patients pour parler de sexualité, de plaisir et de risques.
    • Comment vous identifiez-vous concernant l’orientation sexuelle et affective ? »

Interventions transaffirmatives ?

Le cheminement vers une identité authentique.

Sources

  1. Témoignages recueillis pour ce guide.
  2. Pullen Sansfaçon, A. (2015). Parentalité et jeunes transgenres : un survol des enjeux vécus et des interventions à privilégier pour le développement de pratiques transaffirmatives. Santé mentale au Québec, 40(3), 93-107
  3. Thiry (2016-2017). Hétéronormativité et expériences thérapeutiques des professionnel.le.s de la santé mentale avec des patient.e.s non hétérosexuel.le.s 
  4. Adolescents transgenres et non binaires : approche et prise en charge par les médecins de premier recours (Wahlen, R. et al., 2020)
  5. Une approche d’affirmation pour les soins aux jeunes transgenres et de diverses identités de genre. Document de principes. (Vandermorris, A. & Metzger, D., 2023)

Partages