Qu’est-ce qu’une santé non-normative ?

Qu’est-ce qu’une santé non-normative ?

Une santé non-normative s’organise à travers une structure qui ne considère pas par défaut certaines caractéristiques, voies thérapeutiques ou demandes portées par la personne sans tenir compte de l’ensemble des facettes qui composent son existence.

C’est aussi une santé qui veille à ne pas « ramener », en corrigeant, décourageant, contraignant, les patient·es vers ce qui est considéré comme la norme socialement admise, mais, au contraire, qui veille à permettre l’exploration et l’affirmation de ses caractéristiques individuelles et authentiques.

À l’inverse, une santé ou une vision normative est la croyance que tout le monde est et fait pareil. Par exemple, cette normativité présupposerait par défaut qu’une personne est hétérosexuelle (hétéronormativité), cisgenre (cisnormativité), monogame, etc.

Ces normes créent un climat où l’existence des personnes LGBTQIA+ est invisibilisée

Le caractère par défaut suppose que cette présupposition a valeur de vérité jusqu’à preuve du contraire. La réfutation de la norme pèse alors à charge et à l’initiation de la personne concernée en annonçant ses caractéristiques « hors normes ». Ces normes, que l’on retrouve notamment chez les professionnel·les de santé, créent un climat où l’existence des personnes LGBTQIA+ est invisibilisée et où leur statut de minorité sociologique est accentué, les plaçant en opposition à une majorité. Cela manifeste aussi une potentielle méconnaissance des thématiques LGBTQIA+.

Une posture non-normative ne revient pas seulement à accepter et considérer l’orientation/l’identité de genre/les caractéristiques sexuelles, etc. d’une personne une fois qu’elle en fait l’annonce. Elle revient, surtout, à ne pas supposer par avance de son identité, ses pratiques, son orientation et ses relations. Il s’agit de  reconsidérer l’idée-même de norme et ses a priori personnels.

A titre d’exemple : ce n’est pas parce qu’un individu naît avec des caractéristiques sexuelles mâles que ce sera un homme. Ce n’est pas parce qu’un·e patient·e dit « mes parents »  que cela représente une mère et un père. Ce n’est pas parce qu’une personne dit « mon/ma partenaire » qu’elle n’en a qu’un·e seul·e.

Il apparaît parfois difficile de questionner ce qui semble évident ou « normal », mais le poids de ces présomptions est tel qu’il vient vicier le rapport de soins et participer à l’invisibilisation, la marginalisation et l’exclusion d’une partie de la population.

J’étais chez le médecin et il me dit 'Pour toi, les enfants, il va falloir se dépêcher'. J’étais là pour un simple contrôle. Il y a toujours le préjugé qu’une femme veut des enfants.(3)

Au-delà de la présupposition par défaut, il s’agit aussi de ne pas amener la personne à tendre vers la norme, à (re)devenir normale. Pour ce faire, il est nécessaire de considérer qu’une norme ne prime pas, ou n’est pas plus saine, qu’une autre.

Par exemple, il s’agit de ne pas privilégier une orientation hétérosexuelle à une orientation homosexuelle ou une identité cisgenre à une identité transgenre, sous prétexte que cela exposerait la personne à un vécu ou à des difficultés hors normes.

L’hétérocisnormativité peut contraindre certaines personnes, et ce fut / c’est le cas à de nombreuses époques et dans de nombreuses sociétés, à devoir se comporter ou s’identifier comme hétérosexuelles et/ou cisgenres alors que cela ne correspond pas à la réalité de leurs pratiques ou de leur identification. Par exemple, une posture normative induit qu’une femme de 30 ans reçue chez un·e gynécologue a de facto des pratiques sexuelles pénétratives, est de facto hétérosexuelle et/ou cisgenre ou dyadique tout comme ses partenaires. Une posture non-normative prendra au contraire en compte la multiplicité des possibilités en termes d’orientation sexuelle, d’identité de genre, de pratiques sexuelles (ou pas) et de caractéristiques sexuelles (intersexuation ou pas). En bref, une santé non-normative ne présuppose pas et ne tend pas à ramener la personne vers la norme socialement admise par le biais, notamment, d’une pathologisation de la différence.

Cela comporte une volonté de ne pas se cantonner à la norme basée sur la majorité numérique par l’ouverture aux diversités et minorités. Nous avons, depuis notre enfance, appris les genres, les relations, les corps d’une certaine façon, et pour beaucoup d’entre nous, nous les avons appris de façon binaire et stéréotypée. Il nous a été enseigné de ne pas voir les situations qui s’écartent de ces normes. Toutefois, il nous est possible de nous ouvrir à l’apprentissage de nouvelles réalités invisibles jusqu’alors.

Qu’est-ce qu’une santé non-normative ?

Une santé qui ne présuppose pas et ne tend pas à ramener la·e patient·e vers la norme socialement admise.