« Manger à tous les râteliers » ?

« Manger à tous les râteliers » ?

La bisexualité (et la pansexualité) a toujours été pratiquée dans l’histoire de l’humanité mais elle n’a été conceptualisée en tant que telle qu’à partir de la fin du XIXe siècle, comme les autres préférences sexuelles.

Elle connaît actuellement un certain regain de visibilité mais reste souvent moins connue et moins comprise que l’hétérosexualité ou l’homosexualité.

Les relations sexuelles et romantiques entre être humains n’ont plus l’unique fonction reproductrice depuis au moins la Préhistoire, c’est d’ailleurs également le cas chez nos cousins primates les plus proches. La dichotomie femelle / mâle, ou homme / femme ne constitue pas une condition sine qua non pour les pratiques amoureuses ou sexuelles. 

la bisexualité vient perturber cette antinomie relativement claire et peut être mal perçue d’un côté comme de l’autre.

L’homosexualité a souvent été présentée comme un épouvantail, ce qui sort de la norme, ce qui contrevient à la nature ou à la morale. L’hétérosexualité a, au contraire, été définie, par opposition, comme l’état naturel des choses, comme la norme respectable. Entre ces deux concepts, la bisexualité vient perturber cette antinomie relativement claire, et peut être mal perçue d’un côté comme de l’autre. 

Elle se définit généralement comme la capacité d’être émotionnellement et/ou sexuellement attiré·e par les personnes des deux genres. Une personne bisexuelle n’est pas nécessairement attirée par les deux genres à part égale et le degré d’attirance peut varier avec le temps. 

On peut parler dans certains cas de « bisexualité de fait » lorsque des citoyen·nes ont des relations avec des hommes et des femmes, par exemple dans des espaces / sociétés où l’homosexualité est difficile à vivre, ou a contrario dans certaines traditions de la Grèce ou de la Rome antique, pour lesquelles la bisexualité, sous certaines conditions, faisait partie de la norme. 

Cependant, elle est avant tout une autodéfinition que seule la personne concernée peut décrire avec précision. La bisexualité, par essence, induit la multiplicité, si ce n’est des expériences, au moins des attirances. On peut aussi la définir comme un continuum entre les orientations sexuelles strictes « homosexuelles » ou « hétérosexuelles » .

Comme pour les autres préférences sexuelles, il est impossible d’y attribuer des pratiques particulières ou une récurrence particulière des relations romantiques ou sexuelles. Par ailleurs, la bisexualité interroge la question de la binarité homme / femme. On parlera plus volontiers de « pansexualité », et de personne pansexuelles, lorsque celles-ci sont, par exemple, attirées également par des personnes non-binaires, intersexes, ou toute personne ne se définissant pas clairement comme « homme », « femme », « femelle » ou « mâle ». 

« Si la bisexualité fait encore peur à certains parce qu’elle est une zone grise, parce qu’elle n’entre pas dans la classification binaire entre homosexuels et hétérosexuels ou parce que les bisexuels, si on ne les connaît pas, peuvent être perçus comme des prédateurs ou des indécis, la bisexualité n’a pourtant jamais été aussi visible. Dans cette époque où le plaisir immédiat est roi et où la liberté d’être qui l’on veut et d’aimer qui l’on désire devient primordiale, les conditions idéales sont réunies pour que les bisexuel·les affirment leur existence et soient de plus en visibles, au sein de la communauté LGBTQIA+ et ailleurs » (1).

Aujourd’hui, acquérir une visibilité et dépasser les préjugés à leur égard sont les deux plus importantes revendications des associations bisexuelles. Voici quelques stéréotypes tenaces qu’il convient d’infirmer et d’éviter absolument, par exemple lors d’une consultation médicale :

 

« Les bisexuel·les sont infidèles / obsédé·es par la sexualité » 

Si par « infidèles » on entend « non exclusif sexuellement », les personnes bisexuelles ne sont pas moins exigeantes dans leur choix de partenaires ni amenées à multiplier ces partenaires, c’est une question purement individuelle quelles que soient ses préférences sexuelles ou romantiques. S’il est certain que la marginalisation des LGBTQIA+ leur a parfois permis de développer des manières d’aimer, d’entretenir des relations sentimentales ou sexuelles alternatives, il n’est jamais correct d’attribuer des comportements définis à une orientation sexuelle précise.

« La bisexualité est une phase » 

La bisexualité est souvent présentée comme la période grise pendant laquelle une personne hétérosexuelle « devient » « homosexuelle » ou bien comme un « écart » effectué par une personne qui se cherche ou qui n’a pas encore trouvé « la bonne personne » . En réalité, même si, bien entendu, la sexualité est propre à chaque individu, évolutive, et bien plus complexe que ces catégories figées, certaines personnes sont bisexuelles toute leur vie avec de multiples manières de le vivre. Rappelons également, que comme pour les autres orientations sexuelles, il ne s’agit pas d’un choix, mais d’un ressenti naturel et inné, auquel chacun·e donne un aboutissement selon sa situation.

« La bisexualité est un truc de femme » 

La pression patriarcale de la majorité des sociétés humaines actuelles fait en sorte qu’il est souvent plus difficile d’assumer sa bisexualité lorsqu’on est un homme, pour de multiples raisons liées à la transgressivité de ce patriarcat. La bisexualité est cependant une réalité partagée par les hommes et les femmes à des degrés divers, et ne se mesure par à la pratique mais à l’attirance romantique et/ou sexuelle ressentie. 

« Il faut essayer pour savoir » 

Les préférences sexuelles s’affinent au cours de la vie et des expériences, mais il n’est évidemment pas nécessaire de « tester »  les deux genres (et les autres) pour savoir si cela nous plaît ou nous inspire.

Il est donc erroné de penser qu’une personne bisexuelle échappe aux discriminations et aux problèmes de santé que connaissent les autres individus composant le sigle LGBTQIA+.

Selon Rainbow Health Ontario, les personnes bisexuelles canadiennes consomment davantage de produits stupéfiants et sont plus touchées par la dépression et les maladies mentales que les personnes homosexuelles. Elles ont également 6,3 fois plus de risque de suicide que les personnes hétérosexuelles (contre 4,1 fois plus de risque pour les personnes homosexuelles) (2). Il est donc erroné de penser qu’une personne bisexuelle échappe aux discriminations et aux problèmes de santé que connaissent les autres individus composant le sigle LGBTQIA+.

« Manger à tous les râteliers » ?

La bi-pansexualité fait encore l’objet de stéréotypes tenaces.