Rentrer dans le placard avant d’en sortir

Rentrer dans le placard avant d’en sortir

Le coming in est un concept qui illustre le processus de découverte, de prise de conscience et d’acceptation d’éléments identitaires, relationnelles et/ou sexuels propres s’écartant de la norme hétéro-cisgenre.

Cela consiste en la réalisation petit à petit (ou d’un seul coup) que certaines des présuppositions normatives ne rejoignent pas, ou pas complètement, sa réalité vécue.

Le coming in peut se comprendre comme un mouvement qui précède ou qui chevauche celui du coming out. Il représente métaphoriquement le fait de rentrer dans le placard avant d’en sortir (le coming out étant souvent considéré comme le fait de « sortir du placard », c’est-à-dire, rendre extérieur/publique une réalité vécue intimement. On parle alors d’un passage de l’intimité à l’extimité. Cette entrée dans le placard (coming in) va conditionner sa sortie (coming out).

Ce processus s’amorce par une prise de conscience qui est parfois un moment (réel ou symbolique) bien précis, dont les personnes peuvent se souvenir. Il s’agit de l’origine d’un cheminement que Samuel Champagne (3) nomme  la « chronologie de la reconnaissance » qui peut varier selon plusieurs facteurs (géographiques, culturels, religieux, sociaux…). Le contexte social, par ailleurs, est un élément primordial à prendre en considération dans l’appréhension d’un coming-in individuel.

Le coming-in revient alors à réaliser et à accepter (totalement ou partiellement) que l’on s’écarte des présomptions normatives.

Pour Samuel Champagne (3), le coming in peut se comprendre comme un processus en deux temps : celui de la réalisation et celui de l’acceptation dont les temporalités peuvent être parallèles ou croisées. Sous ce prisme-là, le coming-in revient alors à réaliser et à accepter (totalement ou partiellement) que l’on s’écarte des présomptions normatives. Ces présomptions se composent d’un aspect individuel (se présupposer soi-même comme appartenant à la norme) et d’un aspect social (présupposer l’autre comme appartenant à la norme). Le coming in contredit la présupposition individuelle ; le coming out contredit la présupposition sociale. 

Soulignons le fait que ce n’est pas le coming in en soi, mais bien la rigidité d’un système qui exclut les minorités, qui mène aux éventuelles difficultés liées au coming in (puis, éventuellement, au coming out) et aux conséquences que cela peut avoir au niveau psychique.

Lors du coming in, le placard peut devenir un lieu sécurisant mais aussi contraignant. L’individu réalise qu’il perd le privilège d’appartenir à la norme majoritaire. Il s’agit donc d’un point de rupture où des éléments identitaires et des façons d’interagir, voire d’exister, dans la société sont remplacés par de nouveaux éléments qui doivent parfois faire l’objet d’une exploration.

En plus de cela, la prise de conscience qu’il faudra possiblement révéler cet aspect de soi peut engendrer du stress, de l’anxiété, voire une autocensure ou de l’isolement.

En bref, entre coming in et coming out c’est une histoire de temporalités et de chemins qui mènent à la découverte de soi, puis, à une annonce éventuelle du chemin parcouru. Ces temporalités peuvent se chevaucher, s’entrecroiser, se succéder. Il n’est pas nécessaire d’avoir achevé son coming-in pour faire son coming-out.

Rentrer dans le placard avant d’en sortir

Le coming in ou la chronologie de la reconnaissance.

Sources

[ Article rédigé avec la participation de Justine Ringoet ]
  1. Charbonnier, E., & Graziani, P. (2011). Vécu émotionnel et tentatives de suicide lors du coming-out. La Revue Française et Francophone de Psychiatrie et de Psychologie Médicale.
  2. Arènes, J. (2014). Coming out et subjectivation. Dialogue, 203(1), 53–63.
  3. Champagne, S. (2020). Coming-in: L’entrée dans le placard en littérature à thématique homosexuelle destinée aux adolescents. Service social 66(1):59.
  4. Dorais, M. (2014). De la honte à la fierté. Montréal : VLB éditeur.
  5. Cass, V. (2010). Homosexual identity formation: Testing a theoretical model. The Journal of Sex Research, 20(2), 143–167.

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